
Claire Paulhan, éditrice bien connue des lecteurs d’Autobiosphère pour le riche catalogue de sa maison, s’intéresse de longue date à l’île de Port-Cros, un paradis de quelques kilomètres de long situé au large d’Hyères. Paulhan en avait fait un des repères de la NRF, et certaines de des plus grandes plumes de la revue y séjournèrent La naturaliste et écrivaine anglaise Vivienne de Wattewille y avait, elle aussi, posé ses valises le temps d’une saison, racontée avec humour dans ses Souvenirs.
Mais c’est un aspect plus méconnu de l’île que Claire Paulhan entreprend de ressusciter dans un bref ouvrage illustré, Port-Cros en 1886, île de quarantaine. Ces temps pandémiques nous rappellent en effet des réalités oubliées : à savoir le poids des épidémies dans la vie des sociétés, aggravé par les échanges maritimes, militaires ou commerciaux. Or en 1884, le choléra parti d’Égypte a gagné Toulon et Marseille via les bateaux ; la fin de la guerre du Tonkin et le rapatriement massif de soldats atteints de diverses fièvres et maladies (dont le choléra et la variole) obligent le gouvernement de Jules Grévy à prendre des mesures prophylactiques.
Une délégation gouvernementale se rend alors dans le Midi : l’île de Port-Cros est choisie pour que les soldats y effectuent une première phase de quarantaine ; l’île voisine, Bagau, accueillera les plus malades, pour ne pas dire les mourants. S’appuyant sur les archives de la presse, du Figaro (avec son envoyé spécial) au Petit Marseillais, Claire Paulhan nous décrit la vie dans ces sanitariums, selon la terminologie de l’époque, qui entraîne au passage la métamorphose d’un lieu privé où vivent soixante pêcheurs en une colonie de près de mille soldats hébergés simultanément : ce sont au total près de 14 000 personnes, rapatriés et personnels sanitaires, qui peupleront l’île durant ces quelques mois, et leurs conditions d’accueil, tantôt décrites comme parfaitement humaines, tantôt comme scandaleusement sommaires, feront l’objet de vives controverses par voie de presse.
La deuxième « épidémie » mentionnée par Claire Paulhan, c’est le tourisme, qui se développera quelques années après la fin des quarantaines. Plusieurs écrivains en garderont la mémoire littéraire : est ici évoqué, tout particulièrement, le roman (oublié) de Melchior de Vogüé, Jean d’Agrève (1897) qui relate l’amour d’un officier réfugié à Port-Cros, dans un sanatorium (avec un a cette fois) pour y trouver la paix ; il y rencontre une femme. L’histoire était-elle autobiographique ? La belle Hélène a-t-elle existé ?… Entre romans et souvenirs, Claire Paulhan a mené l’enquête.
Cette brève promenade historique et littéraire, richement illustrée de cartes postales d’époque et préfacée par Boris Cyrulnik, nous rappelle que la recherche de parades efficaces contre les microbes et les virus font partie intégrante de la vie des sociétés. Les débats aujourd’hui soulevés par les « mesures sanitaires » ne sont en réalité que les variantes (en attendant les variants) de controverses bien plus anciennes.
On pourra se procurer l’ouvrage auprès de l’Office du Tourisme de Hyères, sur leur site internet sécurisé – pour la commande en ligne, pensez à désactiver votre bloqueur de publicité (AdBlock) si vous en avez installé un sur votre navigateur.
Claire Paulhan, Port-Cros en 1886, île de quarantaine, préface de Boris Cyrulnik, Association des Amis de Port-Cros, 84 p. ill, 10 €.
https://hyeres-boutique.com/accueil/111-port-cros-en-1886-ile-de-quarantaine.html
Hélène Gestern
Une réflexion sur “L’Île aux malades”
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